JENNIFÄEL
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Dans les rues animées de Bérynor, Jennifäel virevoltait au cœur d’une foule éblouie. Torches enflammées et voiles de soie dansaient autour d’elle dans une chorégraphie parfaite, illuminant son costume bariolé, une mosaïque de tissus chatoyants et de grelots tintants. Ses gestes, précis et fluides, captaient tous les regards. Pourtant, derrière son sourire radieux et ses danses fascinantes, Jennifäel n’était pas qu’une artiste : elle était aussi une voleuse experte.
Ce soir-là, la place centrale grouillait de monde. Marchands, nobles et curieux s’étaient rassemblés pour admirer son spectacle. Parmi eux, un riche marchand se tenait au premier rang, arborant une dague somptueuse à sa ceinture. L’arme, ornée d’une gemme rouge et noire étincelante, semblait presque vivante. Jennifäel avait repéré la dague dès son arrivée et avait décidé qu’elle serait son trophée de la soirée.
À mesure que ses jongleries devenaient plus audacieuses et que ses voiles traçaient des arcs scintillants dans l’air, Jennifäel s’approcha habilement du marchand. Sa danse l’amena près de lui, suffisamment près pour que ses doigts agiles se mettent en action. D’un mouvement fluide, dissimulé par une pirouette, elle déroba la dague et la glissa dans sa ceinture, tout en continuant à divertir la foule, qui n’avait rien remarqué.
Une fois le spectacle terminé, sous les applaudissements nourris de son public, Jennifäel disparut dans les ruelles sombres de la ville, emportant son précieux butin. De retour dans sa cachette, elle examina l’arme de plus près. La gemme sur la garde irradiait une lumière étrange et hypnotique, et une chaleur subtile semblait se diffuser jusque dans ses mains. Fascinée, Jennifäel conserva la dague à sa ceinture et tenta quelques jongleries pour se détendre. Elle réalisa alors que ses mouvements, déjà précis, étaient devenus presque surnaturels. Les torches semblaient défier la gravité, répondant à sa volonté avec une fluidité parfaite, comme si l’arme amplifiait chaque geste. Envahie par une énergie nouvelle, grisante et terrifiante à la fois, elle comprit que la dague ne faisait pas qu' accompagner ses performances : elle les transcendait.
Sur le tissu chatoyant, la dague reposait, sa gemme rouge et
noire pulsant d’une lumière hypnotique.
Mais cette exaltation ne tarda pas à s’accompagner d’un malaise. Des murmures, ténus d’abord, s’insinuaient dans son esprit, devenant chaque jour plus pressants. La gemme semblait lui chuchoter des encouragements enivrants, l’incitant à danser plus haut, plus vite, à captiver les foules comme jamais auparavant… et à oser des vols de plus en plus téméraires. Pendant ses spectacles, sous le voile des acclamations et de l’éclat des torches, Jennifäel choisissait des cibles toujours plus ambitieuses : des nobles, des marchands influents...
Chaque mouvement de scène devenait une diversion calculée, chaque pirouette un écran parfait pour dérober des trésors inaccessibles. Pourtant, derrière l’audace de ses gestes et la précision surnaturelle qu’elle devait à la gemme, une inquiétude grandissait. Les murmures, qui avaient d’abord semblé stimuler son talent, prenaient une tonalité plus sombre. Sa prudence naturelle s’effaçait, remplacée par une témérité quasi obsessionnelle. Et bien que chaque vol soit un succès éclatant, Jennifäel sentait qu’elle y perdait autre chose : le contrôle
Un soir, alors qu’elle exécutait une danse spectaculaire sur la place, les flammes de ses torches jaillirent violemment, terrifiant les spectateurs. Jennifäel comprit que l’objet qu’elle avait volé n’était pas une bénédiction, mais une menace. Ce fut à cet instant que Drakan Harren apparut, observant la scène avec une gravité palpable, le regard fixé sur la dague que Jennifäel portait à sa ceinture, comme s’il connaissait la véritable nature de l’arme.
Après la représentation, il l’intercepta dans une ruelle.
— La pierre incrustée dans cette dague, dit-il d’un ton grave, elle est maudite. C’est une Katalyst. Elle te donne du pouvoir, mais elle te consume lentement.
Méfiante, Jennifäel recula.
— Elle m’a rendue meilleure, plus forte. Pourquoi devrais-je m’en séparer ?
Drakan secoua la tête.
— Ce n’est pas de la force, c’est un poison. Laisse-moi t’aider avant qu’il ne soit trop tard.
Après une confrontation tendue, Jennifäel accepta de le suivre. Drakan l’emmena dans un sanctuaire isolé, où il lui révéla la véritable nature de la Katalyst : un fragment maudit, forgé à partir de l’essence d’un dieu déchu, conçu pour amplifier les talents de son porteur tout en l’asservissant.
Avec un marteau en nyrtre, le seul métal capable de briser la Katalyst, Drakan abattit l’outil sur la gemme sertie dans la dague. La pierre éclata dans une explosion de lumière rouge et noire, libérant une onde d’énergie si puissante qu’elle fit vaciller Jennifäel. Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle se sentit enfin libérée, bien que profondément marquée par l’expérience.
Drakan, armé d’un marteau en nyrtre, s’apprête à détruire
la Katalyst sous le regard attentif de Jennifäel
Reconnaissante, Jennifäel choisit de se joindre à Drakan et à la Guilde de Sombre-Sang dans leur quête pour annihiler les Katalysts. Ses talents uniques de jongleuse et de voleuse en faisaient une alliée inestimable. Avec sa maîtrise des flammes et des illusions, elle excellait à détourner l’attention des ennemis, créant des diversions spectaculaires qui lui permettaient de subtiliser les artefacts avant qu’ils ne puissent semer davantage de chaos.
Elle continue aujourd’hui de parcourir les terres d’Hélyngrad, jonglant toujours avec le feu et les couleurs, éclatante et insaisissable comme un arc-en-ciel. Mais chaque fois qu’elle danse sous les étoiles, elle se souvient du murmure des ténèbres qu’elle a vaincues, consciente que sa lumière est plus précieuse que jamais.