
GENESE HELYDIENNE
Au commencement, il n’existait qu’une ligne d’horizon entre la mer et le ciel. Elle se dessinait au loin et portait en son sein les reflets des étoiles. Dans le ciel noir, une entité brillait bien plus fort que toutes les autres. Elle était bien plus imposante que ses sœurs. Cet astre s’appelait lune. Elle étincelait comme l’argent. Son ombre se dessinait continuellement dans les abysses. Elle trônait fièrement dans l’univers au-dessus des océans sans vies et dominait les astres.
Sur cette lune, se dressait la citadelle du temps. Au cœur de l’imposante tour, les Aînés, anciens et puissants Dieux, demeuraient. Chaque instant de vie des Divins se ressemblait. Las de contempler l’océan stérile et sa voûte scintillante, ne voyant que leur seul reflet dans l’eau et celui de la lune, les Dieux entreprirent de bâtir Helyngrad et ainsi ne plus demeurer seuls dans l’univers. Ils étaient quatre, quatre Dieux aux immenses pouvoirs et tous nés égaux.
Astramad, le légendaire léviathan élémentaire, était un dragon fort et puissant. Il plongea ses pattes gigantesques au fond des abysses et en extirpa des amas de roche, de sable et de terre. Il concassa, sculpta, façonna et tailla la terre de ses griffes acérées. Il modela montagnes, plaines et falaises. Il grava le sol de tranchées et de sillons. Assoiffé par le labeur, le dragon approcha ses puissantes mâchoires de l’océan et bu avec hâte. Mais à sa grand surprise, l’eau était si salée qu’il la recracha avec violence sur le sol. Elle s’écoula et emplit les imperfections taillées dans la roche. Ainsi naquirent les fleuves, les rivières et les lacs. Leurs lits parcouraient la terre, fertilisant le sol et se jetaient à nouveau dans l’océan. L’Immortelle Bête voulue contempler son œuvre mais le monde était encore sombre. Seule, la lueur de la lune ne suffisait à éclairer ce nouveau monde. Astramad déversa son feu dans le ciel et modela une imposante et gigantesque boule de feu. La chaleur qui émanait de ce foyer vint caresser la terre. La nouvelle étoile baigna la création du dragon et le jour naquit. La couleur rougeoyante de l’étoile se refléta avec élégance sur la lune. L’astre pourpre l’envoûta avec tellement d’ardeur que le léviathan le contempla durant plusieurs heures. Afin de ne pas perdre ce reflet d’une telle beauté, il l’enroba de son souffle glacé et le saisit entre ses griffes avec délicatesse. Il l’accrocha dans le tapis d’étoiles et la lune de sang prit alors sa place aux côtés de l’éternel brasier et de l’astre d’argent. Dans les Cieux, demeuraient maintenant deux éclatantes lunes et le feu du ciel, le soleil.
Sur terre, il faisait chaud et Astramad le ressentit. Pour apporter fraîcheur, il déploya ses puissantes ailes et s’envola. Il parcouru sa création de long en large et à plusieurs reprises. Des brises légères se levèrent et des vagues sur la mer apparurent. Elles vinrent se briser sur les rivages, déposant sables fins et galets qui donnèrent naissance aux plages sur les abords des côtes. Les allées et venues du dragon mirent en mouvement la voûte céleste au point qu’un cycle perpétuel entre les étoiles, les lunes et le soleil s’encra dans la trame du temps. Le jour et la nuit s’établirent.
Émerveillées du travail de leur frère, là haut sur la lune,Ymnia et Réna, les Sœurs, voulurent combler la tâche de leur frère. De leur palais, elles semèrent des graines aux vents qui les dispersèrent aux quatre coins du monde. Ymnia, mère de la nature, commença. La délicate union de la chaleur du soleil et la fertilité de la terre donnèrent naissance aux arbres et aux plantes. Ceux-ci poussèrent et se reproduirent jusqu’à devenir bosquets, épaisses forêts et plaines verdoyantes.
Réna quant à elle, sema les âmes de ceux qui allaient devenir les peuples helydiens. Elle les déposa délicatement sur le sol, dans la mer, sur les montagnes et dans le sable. Elles se fécondèrent et enfantèrent les « Ethers », les Premiers de toutes races et de tout peuples. Leurs besognes achevées, les Soeurs remontèrent sur l’astre d’argent. Les Dieux regardaient avec fierté ce qu’ils avaient créé et se satisfirent de la vie qui grouillait maintenant sous leurs yeux. Épuisés par le labeur, la trinité s’endormit.
Tapis dans l’ombre, Senrazarr, le dernier de la fratrie, ne comprenait pareilles actions. Pourquoi des êtres aussi puissants qu’eux, dominants l’Univers, ne mériteraient-ils pas d’être servis par les Ethers ? Pourquoi ne pas s’élever au-dessus d’eux et les dominer ? Il descendit furtivement sur la terre nouvelle alors que les Trois se reposèrent. Par ses chuchotements, il instigua la crainte et la peur dans le cœur de tous les êtres vivants. Il tissa des rêves et des cauchemars qu’il glissa dans le sommeil des Ethers. Cela engendra doutes, conflits et guerres, imposant la loi du plus fort. Des armées se levèrent et des guerres éclatèrent. Le vil Dieu se délectait du chagrin des peuples et de la destruction.
La-haut dans les Cieux, le fracas des armes et le tumulte des batailles réveillèrent Réna. Accourant au balcon du palais lunaire, elle se pencha sur la Création et contempla les Ethers qui se déchiraient. Assis sur une montagne, Senrazarr regardait, un sourire malveillant aux lèvres. Mais ce n’était pas assez pour lui. Il se saisit de son impressionnante épée et s’empala avec frénésie. Tandis que le fluide vital jaillissait de sa plaie béante, le Dieu sillonna le monde, répandant sur les Ethers son magma sanguin. Mais le sang d’un Dieu est empli d’un grand pouvoir que l’on appelle « magie ». L’essence de Senrazarr répandue par vils desseins, n’était qu’impuretés, ainsi naquit le Ranor. Les êtres vivants qui furent touchés de son sang, se transformèrent en bêtes horribles ou perdirent la raison. La déesse fit volte-face et se précipita dans la citadelle pour réveiller la fratrie. Astramad et Ymnia décidèrent de punir le traître. Le léviathan forgea une armure capable de contenir son frère. Les Soeurs montèrent sur son dos et le trio s’envola vers la terre. Un long et redoutable combat commença entre les frères. Des nuages sombres recouvrirent le ciel et alors que les peuples se battaient sur terre, les Dieux guerroyèrent dans les Cieux. Le fracas du combat engendra le tonnerre, les chocs des griffes et des lames fendirent les nuages et firent apparaître les éclairs. Et soudain, le ciel se mit à pleurer. La Trinité sortie finalement vainqueur de cet affrontement.
Affaibli, Senrazarr fut capturé. Les Soeurs lui revêtirent l’armure alors qu’Astramad créa avec ces dernières forces une prison imprenable pour le traître. Il déchira une gigantesque montagne, celle là même où le traître se tenait assis un moment plus tôt, et de ses pattes puissantes, il creusa un profond cratère. Et plus profondément encore, bien plus au Nord. Avec sa gueule, il dévora la roche et créa de longues galeries souterraines jusqu’aux confins de la terre. Arrivé aussi loin que ses forces le lui permettaient, il se redressa et créa un vestibule de son dos. Les Sœurs emmenèrent Senrazarr au cœur de la prison de pierre. Le dragon déposa à leurs pieds, des minerais qu’il avait excavés. Ils façonnèrent des chaînes de Nyrtre, métal rare, puissant et inoxydable et enchaînèrent alors Senrazarr aux concrétions de l’anti-chambre. L’une des fondations céda et l’eau de la mer inonda les galeries souterraines. Les Sœurs aggrippèrent le dragon et celui-ci s’engouffra par la brèche. Le léviathan nageait avec vélocité, dans les abysses, pour rejoindre la surface et vola hors de danger. Au-dessus de l'eau, au-delà de la terre-ferme, on distinguait dans l’océan, un violent maelström, symbole de la fuite d’Astramad. La Trinité s’en retourna à la montagne pour sceller la geôle de leur frère. Le titan déversa son feu au cœur du cratère qu’il emplit avec tant d’abondance que les flammes débordèrent et s'écoulèrent sur les versants. Les torrents de lave s'arrêtèrent dans le bleu de la mer, laissant apparaître, à la surface, de la vapeur et des plaques magmatiques, dures comme la pierre. Astramad poussa un hurlement de peine et de douleur qui résonna au cœur de chaque forêts, chaque cavernes et chaque vallées. Dans sa prison, Senrazarr l’entendit et esquissa un sourire satisfait. Le traître attend son heure alors qu'Astramad pleure, confronté à la trahison de son propre sang.
Mais malgré leurs efforts, le Ranor, l’essence corrompue de Senrazarr, continuait d’altérer la Création.
Les Aînés constatèrent que, pour contrer ce maléfice, ils leur étaient nécessaire d'offrir leur propre puissance aux Ethers. Ymnia sauva la Création. Elle se saigna et imprégna la terre de son essence divine. Emplie d’une volonté pure, la magie de la déesse et les larmes qui coulaient sur ses joues abreuvèrent à nouveau la terre. C’est ainsi qu’Helyngrad reçue la magie théurgique, celle qui vint des Dieux.
Le Ranor et la Théurgie se mêlèrent, ensembles, aux Ethers et aux créatures. Cette conjonction donna naissance à une toute nouvelle force, l’Agrégation, une magie qui pouvait être manipulée par les êtres vivants. Ymnia, mourante, s'écroula de fatigue. Réna et Astramad façonnèrent un cristal d’un puissant pouvoir, le joyau d’Â’lêm qui servirait à contenir l’essence de la déesse affaiblie et son corps meurtri. La relique fût enfouie dans une épaisse forêt au sein d’un arbre immense et millénaire. L'heure du repos avait sonné.
Les derniers Dieux décidèrent qu’il était bien trop dangereux de laisser le monde sans protections. Ils le séparèrent alors en trois hélydes. Sur terre, la geôle du traître devint l’hélyde noire du Ranor. Abritant Senrazzar, sa malveillance et sa cruauté.
Ils quittèrent Helyngrad et se rendirent une dernière fois au palais l’astre lunaire. Réna et son frère décrétèrent alors que la mer et le ciel délimiteront les frontières des Ethers, Ce fût la naissance de l’hélyde conjonctoire.
Avant de se retirer au-delà des étoiles, Réna puisa les dernières graines fertiles de son corps et façonna des gardiens. Elle enseigna à ses enfants l’histoire de la Création. Baptisés du titre d’Etherias, ils furent affublés d’une seule mission : protéger Helyngrad et ses habitants. Ni Dieux Anciens, ni Ethers, les Etherias sont ceux que les peuples helydiens vénèrent aujourd’hui. Astramad donna à chaque gardien l’une de ses griffes qu’ils forgèrent en armes et reliques magiques. Si le traître devait un jour se libérer, les Etherias posséderaient la puissance du Dieu Père.
Réna, faible et stérile grimpa péniblement sur le dos de son frère et tous deux s’envolèrent par-delà les étoiles. Ils se réfugièrent aux confins de l’univers et créèrent ainsi l’hélyde théurgique. Helyngrad demeurait aux mains des Etherias. Cependant, ces nouveaux dieux demeuraient plus faibles que leur génitrice. En voyageant entre les hélydes, les Etherias furent influencés par les puissances du monde. Leurs actes guidés par l’emprise des différentes sources magiques firent basculer les Etherias du côté de la lumière ou celui des abysses. Le sens du bien et du mal vit le jour sur terre et dans les cieux.
Mais au détriment de tous, une autre hélyde, cachée, vu le jour. Créée par les fragments du Ranor et de la Théurgie, elle se dessina entre les hélydes jusqu’à engendrer celui que le nomme le Val. Un chemin caché, lugubre ou la trame du temps n’est plus. Le Val est un puits de magie infini, il est l’entre-monde. L’accès en est scellé et gardé inaccessible aux mortels. Mais au fil des siècles, un écho fini par résonner dans le cœur des helydiens. Un écho devenu une légende puis un mythe.
Aujourd’hui, il n’est plus qu’un murmure porté par le vent :
« Seul le jour du trépas, le chemin s’ouvrira et le porteur d’âmes choisira selon toi. »
C’est ainsi qu’Helyngrad naquit des mains des Dieux Anciens. C’est un Monde empli de magies et de mystères. Les légendes que racontent les helydiens remontent à bien des siècles. Mais l'une d'elles demeure encore aujourd’hui sur toutes les lèvres, celle de la Création, la naissance du Monde. Le jour que l’on nomme Instigation.